Et la justice sociale ?

   C'était plutôt un débat anglo-saxon, mais ces dernières années, la tendance est (re)venue jusqu'à chez nous. Les personnes de ma génération sont en train de se découvrir une sensibilité au féminisme, à l'anti-racisme, l'anti-homophie, etc. On retrouve sur toutes les lèvres un vocabulaire qui était auparavant barbare : "patriarcat", "privilège", "représentation". Et clairement, je trouve que c'est une très bonne chose. Avoir conscience des problèmes de la société, de préoccuper des autres, c'est un excellent moyen de grandir individuellement et collectivement.

   Sur internet et dans les communautés de fans, cette découverte passe beaucoup par l'analyse critique des médias. Quels sont les clichés véhiculés par la fiction ? Comment influencent-t-ils notre vision du monde ? Ce sont des questions intéressantes et importantes, et de plus en plus de personnes se consacrent à y répondre. (Par exemple la blogueuse Mirion Malle ou la chaîne Feminist Frequency.) Le sujet est d'autant plus brûlant que ces initiatives entraînent parfois un énorme backlash, orchestré par des personnes aux sensibilités plus traditionnelles, ou qui ont simplement envie de foutre la merde.

   Cependant (car il y a toujours un "mais"), la préoccupation pour la justice sociale sur internet atteint parfois un degré que je trouve un peu obsessionnel, d'autant plus que, de phénomène de niche, elle est en train de devenir la nouvelle norme dans les médias américains de gauche. Y être sensible c'est très bien, mais pour moi c'est une grosse erreur d'en faire une grille d'analyse unique. Je pense qu'il peut y avoir une différence entre représenter quelque chose et le cautionner, que l'humour doit parfois savoir être politiquement incorrect, ou que la fiction n'est pas toujours à interpréter littéralement. Je pense aussi que l'étude critique des médias doit se faire sur de vastes échantillons, et surtout en gardant à l'esprit que l'ont peut se tromper dans son analyse (surtout quand on est pas chercheur de profession), et sans pointer un doigt accusateur chaque fois que quelque chose nous dérange. Je ne citerai pas de noms, mais je me suis retrouvée plus d'une fois des situations qui m'ont mise mal à l'aise, pourtant au milieu de gens supposés "de mon camp".

   Je vais donc essayer de trouver un équilibre entre rejeter l'influence réciproque de la réalité et de la fiction et interpréter cette dernière uniquement de façon politique. Il y a des chances que ça me fasse des ennemis des deux cotés de la question (si tenté que ce blog sorte de l'anonymat), mais ça me parait la solution la plus honnête intellectuellement. Je suis ouverte à toutes suggestions de votre part, du moment qu'elles sont respectueuses et argumentées.

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